Enfant, j’aimais cette forêt où les pins s’alignent à perte de vue. Cet ordre me rassurait. Aujourd’hui, je l’aime encore même si les émotions que je ressens ont changé avec le temps.
Combien d’heures ai-je pu passer dans cette forêt landaise protégée par les dunes et bercée par la symphonie silencieuse des vents, à la recherche du plaisir, en quête de liberté, errant avec mes peines et mes joies.
Entre la bruyère aux douces nuances de parme et les fougères odorantes qui tapissent le sol sablonneux, les pins se dressent fièrement semblables les uns aux autres ; même tronc, même cime, même silhouette décharnée. Enfant, ils avaient la même blessure. Une plaie ouverte semblable à celle que je pouvais me faire au genou quand je tombais de mon vélo. Cette incision permettait de récolter la sève nourricière des gemmeurs. Quand je regardais la care sur le tronc, je voyais la résine couler lentement, sans bruit, comme lorsque j’observais avec curiosité les perles rouges glisser le long de ma jambe sans la moindre douleur dans un silence quasi religieux.
A la différence du pin, ma plaie se refermerait laissant la place à une cicatrice, empreinte de ma mémoire d’écorché vif. Le pin lui restera ouvert tant que le gemmeur remuera le hapchot dans la plaie pour se nourrir de son sang tel un vampire condamné à vivre.
Le pin, même meurtri, est le fidèle compagnon de l’homme, toujours silencieux, protecteur, il offre son ombre sous le soleil d’été, jadis aux bergers, aujourd’hui aux promeneurs qui arpentent les sentiers jonchés d’aiguilles.
Le pin nous accompagne de la naissance à la mort. Du lit à barreau au cercueil, c’est avec son bois que nous débutons notre parcours dans ce labyrinthe que l’on appelle vie et c’est avec son bois aussi que nous quittons ce monde après avoir pris soin de le détruire.
Quand je reviens dans cette forêt, j’ai toujours le même sentiment d’être l’hôte de dame Nature dont les Myrmidons sont ces élégants pins élancés, blessés, marqués mais dignes et toujours là pour me rappeler qu’ils me protègent.